Par Jennifer Tremblay. Valérie Ivy Hamelin ne saurait dire qui lui a raconté en premier La légende de Glooscap, ni dans quelle circonstance, tout simplement parce c’est une histoire profondément ancrée dans sa communauté, la nation Micmac de Gespeg, et que dans son entourage, chacun la connait, d’aussi loin qu’il se rappelle.

Nous aurons l’occasion de la découvrir au Pôle culturel de Chambly le 26 mai prochain dans le cadre de la série L’Art de la parole. En effet, Valérie Ivy Hamelin et Sadio Sissokho, artiste sénégalais installé au Canada depuis 2003, présenteront un spectacle qu’ils ont revisité durant une résidence d'artistes à la SPEC du Haut-Richelieu. Le thème s’est imposé rapidement puisque Valérie accorde une place toute particulière à cette histoire qu’elle conte depuis longtemps à des publics de tout âge et de toute origine.

La légende de Glooscap donne une version de la création du monde que les gens n’ont, pour la plupart, jamais entendue. « Chacun la reçoit comme il veut, avec ses croyances, sa culture, explique Valérie. Elle exprime un message qu’on fait aussi entendre à travers Mi’gmafrica : guérison et unification, un seul cœur, une seule humanité. Il y a des enseignements importants dans cette légende qui mettent en valeur la force de la collectivité et qui proposent la responsabilisation de chacun. Je veux partager une vision du monde holistique et unificatrice. »

Mi’gmafrica, c’est le groupe qu’elle forme avec Sadio Sissokho. Issu de la caste des griots chanteurs et musiciens (il existe aussi au Sénégal une caste de griots qui se dédient au métier de conteur), Sadio est un virtuose de la kora. « Nous sommes tous les deux issus de la tradition orale », précise Valérie.

La musique fera partie intégrante de leur nouvelle version de La légende de Glooscap. Ils joueront entre autres quelques pièces de l’album qu’ils ont lancé en février dernier, À la mémoire de nos ancêtres, puisque ces pièces s’inscrivent tout naturellement dans l’esprit du spectacle.

Voir La légende de Glooscap

Les deux artistes ont fait connaissance sur scène il y a de nombreuses années. D’abord choriste et flûtiste dans un spectacle où elle accompagnait Sadio, Valérie et lui se sont peu à peu rendu compte que leurs peuples respectifs partageaient les mêmes valeurs et que leurs contes et leurs chansons abordaient des thèmes similaires. Leurs pièces reflètent cette parenté étonnante et proposent une fusion musicale harmonieuse, absolument envoutante.

Valérie Ivy Hamelin a étudié la flûte classique au Collège Lionel-Groulx. Désormais, son instrument « l’accompagne », puisqu’elle est devenue peu à peu chanteuse et conteuse. « Mon rapport à la musique a changé. Autrefois, Sadio et moi, on voulait casser la baraque et ça fonctionnait. Aujourd’hui, ce qu’on veut surtout, c’est apporter un sentiment de paix. Créer des espaces avec le public. Il ne s’agit plus de performer ou de démontrer notre virtuosité. Les gens ont besoin plus que jamais d’un espace de paix, d’ouvrir leur cœur. On veut faire du bien, apporter un réconfort. »

Étudiante à temps plein à l’université, Valérie est de surcroit vice-présidente depuis novembre 2022 de l’organisme Eau Secours, où elle s’investit en fait depuis des années. « Le Saint-Laurent est considéré comme l’un des fleuves les plus pollués au monde. Nous travaillons à le faire reconnaitre comme une personnalité juridique. »

Elle se dit timide. Mais alors, qu’est-ce qui l’a emmenée sur scène ? « L’amour de la musique ! » Quel genre de musique écoute-t-elle ? « En ce moment, j’ai surtout besoin de silence. Il y a tant de stimuli dans notre monde ! Mon dernier coup de cœur va à Dominique Fils-Aimé. J’adore son soul… » Connectée à la nature, elle apprécie le calme et la tranquillité. C’est d’ailleurs dans ce contexte qu’elle a enregistré certaines prises d'À la mémoire de nos ancêtres. « Si on écoute attentivement, on entend des grenouilles, de l’eau, des oiseaux. C’était inévitable parce qu’on entend les bêtes et les sons de la nature même à l’intérieur de ma maison. On s’est aperçu que ça se mêlait très bien à notre musique. Je suis même sortie enregistrer l’eau de la rivière pour l’intégrer à une chanson. » Valérie propose que l’on porte une attention particulière à la chanson Talibé, dont les premières notes sont accompagnées du merveilleux chant… des grenouilles ! Un enchantement.

Valérie Ivy Hamelin
26 mai 2023 à 20 h
Salle Emma-Albani
Pôle culturel de Chambly

Cette entrevue a initialement été publiée dans l'édition de mai 2023 du magazine l'Entracte de la SPEC du Haut-Richelieu. Pour consulter l'édition en cours, cliquez ici.