Par Jennifer Tremblay. « Thomas Hellman est un trésor. » C’est ce que le journaliste Jean-François Nadeau a écrit à son sujet. C’est vrai que cet artiste aux multiples talents apporte sans cesse au paysage artistique québécois des propositions étonnantes, chargées de sens, denses et brillantes.

Le conteur, auteur, compositeur, interprète, écrivain et chroniqueur a commencé il y a un peu plus d’un an la tournée de son spectacle Mythomane au Festival de contes de Trois-Pistoles. Il l’a présenté au Festival d’Avignon en 2023, puis au Québec pendant toute l’année. Il sera à Chambly le 23 novembre prochain.

Est-ce le sujet du spectacle qui étonne le plus ? Ou est-ce la forme complètement éclatée qui en fait un projet hors des sentiers battus ? Une chose est certaine, avec sa belle voix folk, Thomas Hellman a une longueur d’avance : on peut difficilement résister à ses propositions.

Reprenons du début, en quelques mots, le parcours de l’artiste. Un père texan et une mère niçoise. Une grand-mère américaine, qui a connu la crise des années 30 et qui aime conter. « Elle parlait beaucoup ! » précise Thomas Hellman en souriant. Un oncle, chanteur folk, qui lui donne le goût de la musique. « Il a été ma première influence, il me chantait des chansons de Dylan… » Au début de l’âge adulte, une maitrise en littérature à McGill consacrée à l’œuvre de Samuel Beckett. Des concerts dans les bars, pour payer les études. Puis, un voyage à Paris à la Cité internationale des arts, d’où il participe à l’émission Éclectique de Monique Giroux (Radio-Canada). « On m’avait demandé de parler de mes découvertes musicales parisiennes, mais c’est vite devenu des capsules où je parlais d’un peu tout. » Entre-temps, des textes, des articles, des compositions et… des enregistrements. Thomas Hellman a enregistré sept albums. Pour ceux qui ne connaissent pas son album Roland Giguère, consacré au poète, c’est une découverte qui vaut son pesant d’or !

Mais venons-en à Mythomane… La création de ce spectacle commence comme dans les contes : par le départ du héros. Thomas Hellman part en canot-camping avec sa cousine, sa fille, et les filles de sa cousine. Il pleut depuis trois jours. Pour distraire les enfants, qui n’en peuvent plus, il sort sa guitare. Il se met à raconter L’Odyssée (Homère), qu’il vient de lire pour sa chronique à l’émission Plus on est de fous, plus on lit (Radio-Canada). Il est ébloui par l’intérêt des fillettes : elles en redemandent ! « J’avais l’impression que ces histoires me traversaient. Je me reconnaissais à la fois dans le personnage d’Ulysse, dans celui du coureur des bois et dans celui du chanteur folk. » Cette expérience lui donne envie de se proposer pour raconter les mythes grecs à la radio : l’idée est retenue et il se retrouve à l’émission Dessine-moi un matin (Radio-Canada). Il reçoit un appel d’un auditeur qu’il ne connait pas personnellement, mais avec qui il rêve de travailler : Michel Faubert. Le conteur, chanteur et ethnographe québécois est catégorique : « Tu dois créer un spectacle sur les mythes grecs ! » C’est finalement lui, Michel Faubert, qui en fera la mise en scène. « Il est intelligent et cultivé, en plus d’être flyé. On blaguait beaucoup en répétition, et nos idées les moins sérieuses sont devenues nos meilleures idées, finalement ! »

Hellman parle aussi du travail du multi-instrumentiste Olaf Gundel, qu’il connait depuis l’adolescence : « On a beaucoup travaillé ensemble. Dans le spectacle, il arrive à “illustrer” les textes avec ses instruments ». Anecdote intéressante : parmi ses instruments, Olaf Gundel compte un cocovibrum, inventé par le luthier québécois Thierry André. Le son de cette petite merveille se situe quelque part entre le banjo et la lyre.

Et comment le public reçoit-il cette proposition ? « Ceux qui connaissent déjà les mythes adorent les liens qu’on fait avec d’autres référents culturels. Ceux qui ne les connaissent pas d’emblée s’amusent beaucoup parce que ce sont des histoires hallucinantes qu’on raconte à notre manière ! »

Je relance l’artiste sur le côté hybride du spectacle, dans lequel ont été intégrées des projections, des archives sonores, des chansons de divers répertoires. « Ce n’est pas un show de musique. Ce n’est pas un show de théâtre. Ce n’est pas un show de conte. C’est tout ça à la fois », conclut-il en riant.

Avec Mythomane, le narrateur-chanteur-comédien et sa belle bande de créateurs nous invitent au sommet du mont Olympe. Rien de moins.

Le conteur, auteur, compositeur, interprète, écrivain et chroniqueur Thomas Hellman. Photo Mathieu Rivard