Par François Marchesseault. Le rap de Shawn Volcy, alias Shreez, frappe au corps. On bouge la tête, l’oreille tendue vers les mots. Même si l’on pense, souvent à tort, ne pas aimer le genre, on y revient. Comme si le rap, le sien surtout, venait réveiller quelque chose de viscéral en nous.

Pour Shreez, l’essence du rap se trouve dans le rythme : « Souvent dans le rap on essaie d’être catchy. Ça reste dans la tête. C’est simple, ce sont les refrains qui se répètent. » Le flux des mots et des rimes est pourtant tout sauf simple dans les chansons de celui qui a remporté deux prix remis par la SOCAN : Prix musique hip-hop/rap 2021 pour On Frap, son premier album, ainsi que le Prix de la chanson en 2019 pour On fouette (une pièce de son acolyte Tizzo à laquelle il a collaboré).

Les influences musicales de Shreez viennent du drill, un mouvement rap qui prend principalement racine au Royaume-Uni et à Chicago. De ce style où l’on fait parfois l’apologie de la violence, Shreez n’en a gardé que l’instrumentation et les rythmes. Du moins, depuis qu’il ne fait plus de mixtapes pour un public qu’il appelle « de la rue » et qu’il s’adresse davantage au grand public : « Si quelqu’un écoute mes premières chansons, il verra que ce n’est pas exactement le même genre de rap. Avant c’était vraiment cru. Tout plein de mauvais mots. Honnêtement dans la rue, c’est ça que les gens aimaient », me raconte-t-il.

Le jeune papa d’un garçon de sept ans a adouci son approche : « Maintenant quand je sors des chansons, je vois qu’il les connait par cœur. Ça m’a beaucoup poussé à filtrer mes textes et à éliminer les vulgarités. »

Shreez a trouvé sa signature, son drill à lui, qu’il mixte à d’autres genres musicaux. Et il frap. Comme le titre de son premier opus, On Frap, qu’il désigne comme une façon de dire que l’on travaille fort. Peu importe notre métier, on se lève chaque matin et on frap. Et le musicien frap, jour après jour, dans son studio, à créer de nouveaux rythmes, de nouveaux textes et de nouvelles chansons.

Sur scène, Shreez présente les pièces de ses deux premiers albums solos, On Frap (2020) et Je suis canicule (2022), mais n’hésite pas à puiser dans tous ses autres (nombreux) enregistrements des dernières années. Ses multiples collaborations avec d’autres figures du rap québécois, comme Izzy-S, Imposs ou Tizzo. Accompagné simplement d’un DJ, son plus grand défi réside dans la livraison de ses textes : « J’utilise parfois des flows rapides et compliqués. Le défi c’est vraiment de chanter comme il faut. En show, je ne mets pas de playback. Il faut que ça soit bien exécuté. »

Livrer la marchandise, des paroles percutantes à un public qui s’élargit continuellement : ses deux premiers albums cumulent plus de 12 millions d’écoutes (et ce chiffre est loin d’être à jour) sur les différentes plateformes d’écoute musicale.

Je lui demande s’il a un rêve pour le rap d’ici, pour sa propre musique : « Mon rêve serait pour la musique québécoise en entier. Pas seulement le rap. Qu’elle réussisse à s’exporter. En Jamaïque, exemple, ils font du reggae. Ils ne sont pas beaucoup, mais ils ont réussi à faire en sorte que le reggae soit international. Moi j’aimerais que ce soit comme ça avec la musique québécoise. »

Shreez, artiste déjà incontournable du « rap keb ». Un spectacle comme exutoire. « Un party », comme il le nomme lui-même, où le public le rejoint même parfois sur scène pour danser, bouger et oublier son dur labeur. Toutes ces journées où l’on frap et où l’on frap… encore.

Shreez
2 février 2024 à 21 h
Le 164, Lounge
Admission générale, 18 ans et plus

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