Par François Marchesseault. Martin Lizotte crée un monde musical instrumental fascinant, immensément inspirant. Dès les premiers mots échangés avec lui, en ce matin de septembre, je lui raconte combien ses trois albums solos m’incitent à écrire, librement. À quel point les pièces de Pianolitudes (2014), d’Ubiquité (2017) et de Sfumato (2022) me transportent en quasi-apesanteur. De savoir que sa musique inspire d’autres créateurs le touche énormément.

Il y a tant de travail derrière tous les micro-détails et toutes les couches de peinture musicale de ses différents morceaux. Tant d’étapes avant d’arriver au produit final d’un album comme Sfumato. « J’imagine qu’à un moment donné, ça transparait chez l’auditeur », me lance le musicien autodidacte. Qu’il est donc peut-être normal que ses tableaux musicaux aussi complexes qu’accessibles puissent nous mener sur un chemin créatif... « Sinon de planer, de faire arrêter le temps, de fermer le cellulaire ou de juste s’appartenir… », d’autres états que souhaite transmettre le créateur par sa musique.

Voir Martin Lizotte et Mathieu Désy

Sur: Sfumato (qui signifie nuancé ou dégradé, en italien) flotte cette impression que ses musiques sans paroles racontent une histoire. Avec une introduction, une progression et une conclusion. Martin Lizotte confirme : « Oui, il y a un petit côté expressionniste qui veut raconter une histoire sans paroles, effectivement. J’imagine que ça vient avec les années. On est plus habile à transformer la musique. À la faire parler à travers un discours musical. » Cette parole musicale, le musicien a appris à la développer, à la traduire en notes, grâce à l’apport de Luce Leboeuf, professeure d’interprétation. Sculpter ses mélodies sous forme de récits en faisant des pauses, en laissant respirer les phrases comme dans une discussion.

À la réalisation de Sfumato, on trouve le contrebassiste et compositeur Mathieu Désy. Bien que l’on entende ici et là sur le disque quelques autres instruments comme le saxophone, la guitare électrique ou le violon, Mathieu Désy et Martin Lizotte ont décidé d’apporter que piano et contrebasse en tournée. Pas de séquenceur, pas de projection et donc pas de distraction autour des deux musiciens : « Pour que le personnage principal de ce spectacle-là soit la musique. Comme un écrin dans lequel on se trouve et qui permet à la musique de se déployer », ajoute Martin Lizotte.

Les deux musiciens collaborent depuis un moment. Une forme de dialogue, un échange tout simple s’est installé entre les deux, au fil du temps, autant en studio que sur scène. Martin Lizotte ose même le mot « télépathie » pour qualifier la connexion entre lui et le contrebassiste, avant d’ajouter : « Nous formons vraiment une belle paire. On se complète tout en étant complices. »

« Un monde unique », voilà comment l’auteur-compositeur-interprète Daniel Bélanger (que Martin Lizotte a déjà accompagné sur scène) qualifiait récemment l'album Sfumato. Il est vrai que sur le vaste terrain de la musique instrumentale, le grand tableau musical à la fois céleste, aérien et si inspirant du pianiste ne ressemble à rien d’autre.

Sfumato et la majorité des compositions de Martin Lizotte recèlent une quantité infinie de beautés. De grands pouvoirs insoupçonnés. Le spectateur qui ira à la rencontre de ces musiques peut espérer repartir avec un nouveau bagage intérieur. « Il y a des spectacles qui peuvent continuer à nous habiter. Comme quand j’ai vu Amélie Poulain à l’époque. Ça vient ouvrir une boite de pandore, une étincelle qui permet de voir la vie sous un autre angle. Ça peut avoir l’effet de diapositives musicales… », de conclure le compositeur.

Crédit photo : Jay Kearney

Martin Lizotte et Mathieu Désy
1er décembre 2022 à 18 h
Cabaret-Théâtre du Vieux-Saint-Jean
Places réservées

 Cette entrevue a initialement été publiée dans l'édition de décembre du magazine l'Entracte de la SPEC du Haut-Richelieu. Pour consulter l'édition en cours, cliquez ici.