Par Yves Mallette. Après avoir sillonné le Québec avec Créature, Rita Baga entreprend une nouvelle tournée avec Spraynet !, un spectacle où elle remplace la narration comique par la musique et les chansons, ce qui donne l’occasion à l’artiste de faire entendre sa propre voix. La proposition est différente, mais encore une fois, la drag-queen met toute la gomme pour présenter une performance… qui décoiffe !

En effet, cette pionnière qui a contribué à sortir les drag-queens des clubs brise une autre convention en délaissant la synchronisation des lèvres (lip-sync) souvent associée au monde de la drag pour mettre de l’avant son talent de chanteuse. Pour ce faire, elle s’est entourée de musiciens aguerris dirigés par Jacob Roberge qui faisait partie de la cohorte 2021 de Star Académie. « J’ai une formation en chant que j’avais mise de côté pour faire des spectacles de drag. Les gens ont réalisé que je sais chanter quand ils m’ont entendu aux émissions Chanteurs masqués et Zénith », fait savoir celle qui a d’ailleurs lancé un album de chansons intitulé Flash.

Avec Spraynet !, Rita Baga propose une immersion dans les années 80 en revisitant les plus grands succès francophones et anglophones de cette décennie (Céline Dion, Elton John, Eurythmics, Martine St-Clair, Whitney Houston, etc.). « Nous faisons des reprises de chansons très bien connues en ajoutant un peu de notre sauce, mais sans trop les dénaturer parce qu’on veut que le public chante avec nous. Les seules pièces vocales dont les gens ne connaitront pas les paroles sont mes propres chansons que je saupoudre ici et là dans le spectacle », révèle celle qui change de costumes à trois reprises pendant la soirée.

Le but du spectacle est de permettre aux gens qui ont vécu l’effervescence des années 80 de se rappeler des souvenirs, ce qui n’exclut pas les plus jeunes qui ont beaucoup de plaisir à découvrir ces chansons, selon Rita Baga. Elle-même est née en 1987 et n’a donc pas connu cette période : « Je consomme beaucoup de musique des années 80 et quand je vois des femmes de cette époque habillée d’un ensemble léopard avec des épaulettes, beaucoup de maquillage et une coiffure en hauteur, croyez-moi, ça me parle ! Je me sens dans mon élément », s’exclame la première drag-queen à avoir fait la une de Elle Québec.

Rita Baga est d’avis que le titre reflète bien le thème du spectacle : « Je cherchais une expression québécoise qui évoque l’exubérance des années 80. J’ai alors pensé à spraynet, un faux anglicisme que nous utilisions pour désigner le fixatif à cheveux. Pour une raison qui m’a toujours échappé, nous disions spraynet à la place de hairspray. Avec les costumes de scène, la scénographie, un éclairage extraordinaire et aussi des écrans de projection, ce n’est pas un petit spectacle simple et délicat. Ça marche très bien. Les gens se lèvent pour chanter et danser. »

Considéré comme un porte-étendard des communautés reliées à la diversité sexuelle et de genre, Jean-François Guevremont, qui incarne Rita Baga, est heureux de constater que la perception des gens évolue. Il prend son premier spectacle en exemple alors qu’il était la seule drag-queen à faire la tournée des grandes salles.

« Aujourd’hui, je crois que sous sommes cinq à faire le tour du Québec. C’est extraordinaire. Nos salles sont pleines, les gens proviennent de tous les horizons et ils sont dans l’ouverture. C’est un beau pied de nez fait aux détracteurs quand les gens viennent encourager ce genre de spectacle parce que nous, nous prônons vraiment le vivre et laisser vivre », note-t-il.

Monsieur Guevremont ajoute qu’il trouve très ironique de monter une production célébrant les années 80 alors qu’à cette époque, il aurait été impossible pour une drag de présenter un spectacle solo. Celui qui a longtemps animé des soirées au Cabaret Mado considère que les drag-queens étaient comme un trésor caché : « Les gens ont commencé à venir nous voir en disant que nous pouvions avoir notre place ailleurs que dans des endroits nichés fréquentés par une minorité. L’art de la drag est aussi valable que les autres arts et ça mérite d’être encore plus connu », proclame Jean-François Guevremont.

Rita Baga
5 juillet 2025 à 20 h
Salle Desjardins
Théâtre des Deux Rives

Photo Yagub Allahverdiyev