Par Francis Hébert.

Pierre Lapointe s’amène avec ce qu’il promet d’être un gros party de Noël, à grand déploiement. Décor à couper le souffle, invités, surprises, entre folie et kitsch, afin de présenter ses Chansons hivernales, opus paru en 2020.

Au moment de l’entrevue téléphonique, Pierre Lapointe est au volant. Il a la route devant lui et le temps de s’exprimer longuement. Passionné et bavard, il ne s’en prive pas. À propos de Chansons hivernales, il précise : « Quand on a sorti l’album de Noël, on n’a pas pu faire de spectacles à cause de la pandémie. J’étais très triste. Pour moi, c’était le canevas idéal pour faire un show l’fun. On a voulu faire la tournée l’an passé, mais il y avait une pénurie d’équipements techniques et de personnel, tout était pris. Ça fait donc un an et demi qu’on travaille sur ce spectacle. Je vais faire 17 dates en un mois, je garde en tête de faire un événement. Je ne peux pas te montrer d’images, mais je peux juste te dire que quand le rideau va se lever, tout le monde va tomber sur le derrière ! Ça faisait dix ans que je voulais faire un album de Noël, j’ai approché plein de gens qui n’étaient pas intéressés. L’équipe autour de moi disait de ne pas le faire, que c’était looser. Mais moi, ma carrière n’est pas en déclin, elle va très bien, et c’est pour ça que je voulais le faire ! Ce n’est pas pour faire de l’argent, mais comme prétexte à créer des objets, jouer avec des codes qui existent depuis toujours. Je veux voir comment mon univers peut se marier à ça. C’est peut-être le premier album queer de l’histoire de la chanson, » rigole-t-il fièrement.

Pierre Lapointe n’a jamais eu de problèmes à parler de l’aspect financier de son boulot. Alors qu’il collaborait avec un orchestre symphonique, il y a une quinzaine d’années, il avait déjà pris la peine de nous souligner que ça coûtait une fortune, qu’on ne pouvait pas l’imaginer… Cette fois-ci, l’artiste québécois insiste sur les milliers de dollars investis dans le décor démesuré, mais que son producteur va éponger en présentant cette tournée chaque année : « C’est un gros crisse de show ! Les spectateurs vont vouloir revenir les années suivantes, je suis en train de construire mon Casse-Noisette ! Je me vois dans dix ans le faire au Centre Bell ! Pour la tournée partout au Québec, nous serons six musiciens sur scène dans un décor gigantesque et rocambolesque. À Montréal, Québec et Longueuil, on ajoute le Quatuor Molinari et un quatuor de cuivres. Dans toute la tournée, il y aura aussi deux invités qui seront les plus éclectiques possibles. Ils vont chanter une chanson à eux et une des miennes. Je veux qu’après ma mort, il reste des chansons de cet album de Noël comme des classiques. » Au moment de l’entretien, il citait le nom de Mitsou qui devrait être de cette première fournée, elle qui célébrera les 35 ans de El Mundo…

Pierre Lapointe a déjà deux décennies de carrière artistique. On en profite pour faire un petit retour en arrière sur les albums majeurs de sa discographie, à notre goût, ce qui ne correspond pas nécessairement à ceux du chanteur, mais presque. D’abord La forêt des mal-aimés, où on perçoit la couleur musicale des premiers microsillons de Julien Clerc : « J’ai eu des milliers d’influences de chanson française, mais aussi d’Arcade Fire pour La forêt…. C’était un ramassis de tout ce que j’écoutais depuis longtemps : France Gall, Juliette Gréco, Aznavour… Polnareff aussi, que j’ai découvert d’un coup comme pour Charlebois et Diane Dufresne. » Il cite aussi Satie et Kurt Weill. Second jalon important à nos yeux, le très beau piano-voix Paris-tristesse en 2014 : « Je le considère plus comme un résumé de carrière, un travail au propre : il est solide, car il représente l’air de rien dix ans d’écriture. C’est mon travail d’interprète qui était mis de l’avant. » Et lorsqu’on lui cite le troisième et le dernier, La science du cœur, magnifique et sophistiqué, Lapointe réplique : « Je savais que tu allais là… À l’époque de Punkt, j’avais eu une explosion d’idées dans laquelle je m’étais perdu… Mais avec La science du cœur, j’ai réussi à ramasser ça avec créativité. Visuellement aussi, j’étais le directeur artistique. Pour moi, c’est une œuvre totale. C’est rare que je vais dire ça, mais elle pourrait être dans un musée. »

En attendant ce jour, Pierre Lapointe foule les scènes, affamé.

Pierre Lapointe
26 novembre 2023 à 15 h 30
Salle Desjardins
Théâtre des Deux Rives