Par Valérie Legault. Nicolas Boulerice effectue un retour aux sources cet automne, au Cabaret-Théâtre du Vieux-Saint-Jean. Le cofondateur du Vent du Nord s’est inspiré de cette salle où il a fait ses premières armes des décennies plus tôt pour créer le spectacle Cool Trad, qui donnera le coup d’envoi des Jeudis shows Hydro-Québec. Oubliez les chansons à répondre, les rigodons et laissez votre imagination voyager à travers un mélange surprenant de chansons traditionnelles et de jazz minimaliste.

Le musicien originaire de Saint-Jean-sur-Richelieu rêvait depuis longtemps à la création d’un album à saveur jazz avec son complice Frédéric Samson. Amis de longue date, ils ont d’abord pondu Maison de pierres – Confiné aux voyages en 2020. Devant le succès du premier volet de leur aventure en duo, ils ont poussé la note un peu plus loin avec Cool Trad, paru cette année.

« C’est un album plus lumineux qui s’inspire du cool jazz des années 1940 et 1950, avec Miles Davis en tête de proue, explique Nicolas Boulerice qui a peaufiné le spectacle de l’album lors d’une résidence de création au Cabaret-Théâtre du Vieux-Saint-Jean l’hiver dernier. C’est un style au tempo ralenti qui laisse la place à une interprétation où on peut prendre le temps de raconter chaque note, chaque histoire. »

Le défi consistait à trouver des pièces du répertoire québécois qui se prêteraient bien à l’exercice. La musique trad se traduit souvent par des airs rythmés où musiciens et publics battent ensemble la mesure. Cette fois, Nicolas Boulerice voulait dénicher des airs à interpréter lentement, doucement. Son talent de recherchiste l’a bien servi. « Il y a beaucoup d’humour dans le spectacle que nous avons élaboré avec le metteur en scène Christian Vézina, affirme-t-il. Même si les chansons sont parfois lourdes de sens, le traitement est beaucoup plus lumineux. C’est aussi très épuré. Une chanson, c’est d’abord et avant tout une histoire et une mélodie. Ce que nous en avons fait permet aux gens d’imaginer ce qu’ils veulent autour d’elle. »

Le plaisir est au rendez-vous à chaque représentation. « C’est assez unique, ajoute-t-il avec fierté. Il est rare qu’on ait la chance d’apporter de l’eau au moulin en musique traditionnelle. Nous faisons tourner une jolie nouvelle roue, alliant le déjà-vu à la modernité. »

Navigant entre le passé et le présent, Cool Trad rappelle le choc des cultures du siècle dernier. L’époque du cool jazz coïncide avec celle du Refus global, précurseur de la Révolution tranquille, et du mouvement beatnik de la contre-culture américaine. « On est à la fois dans le jazz qui explore et dans la tradition à préserver », illustre Nicolas Boulerice.

La facture du spectacle est néanmoins très contemporaine. Exit les sons de la nature, on fait place ici à la modernité jusque dans les échantillonnages, entre autres pigés dans le métro de Montréal. Les mélomanes les plus aguerris auront sans doute compris l’allusion à Thelonious Monk, l’une des principales figures du cool jazz aux États-Unis, dans la station du même nom. Pourquoi ne pas y ajouter quelques accents slam, comme dans Exil ? On n’est pas loin de la poésie beatnik, après tout !

La voix de Nicolas Boulerice s’appuie principalement sur l’inspirante contrebasse de Frédéric Samson. Spectatrices et spectateurs apprécieront aussi des instruments plus rares, comme le mélodica avec lequel l’interprète se laisse aller à quelques élans d’improvisation. Quant au contrebassiste, il troquera à quelques reprises son instrument de prédilection pour une basse acoustique. Cette guitare contre baryton trouvée complètement par hasard contribue elle aussi à enrichir davantage cet esprit de cool jazz où le duo nous entraine avec brio.

Photo Tzara Maud