11/01/2023
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Par Jennifer Tremblay. L’autrice et comédienne Maude Laurendeau explique le succès que connait actuellement le théâtre documentaire par notre besoin d’approfondir nos réflexions à une époque où on est bombardés d’informations.
« Le théâtre documentaire est à la frontière de deux mondes, partagé entre la fiction, puisqu’on joue et que ce n’est pas la vraie vie, et la vérité, puisque la partition des personnages n’est pas une fiction, mais la réalité. Au théâtre, on réfléchit “ensemble” plutôt que chacun chez soi… Et on prend le temps de le faire, C’est précieux ! »
Après que sa petite Rose eut reçu un diagnostic de TSA (trouble du spectre de l’autisme) et qu’on lui eut dit que son enfant devait être suivie, Maude Laurendeau a entamé des démarches pour connaitre les ressources disponibles dans le système de santé, puis dans le système éducatif, ce qui est rapidement devenu un parcours du combattant. Éprouvant le besoin de donner un sens à des démarches complexes et épuisantes, elle a entrepris de les documenter. « Je suis rapidement allée voir Annabel Soutar pour lui parler de ma situation et de ma révolte. » La directrice artistique de Porte Parole et elle se connaissent depuis plusieurs années puisque Maude Laurendeau était de la production Sexy Béton créée par la compagnie en 2009.
Quatre ans d’enquête, d’écriture, d’ateliers. Puis, Rose et la machine a vu le jour. Et pendant ce temps, la fillette a grandi. « Les enjeux ne sont plus les mêmes. Ma fille a sa façon de voir la vie et de la comprendre. Et moi, la maternité m’a transformée. » Bien que cette période difficile soit derrière elle, Maude considère comme une mission de monter sur scène et de continuer de dire ce que les gens qu'elle a rencontrés ont exprimé : Maude est leur courroie de transmission. Elle est leur voix, et la scène est leur tribune. Rappelons que le théâtre documentaire a ses règles : les propos des personnages sont identiques aux verbatims des rencontres effectuées au cours de l’enquête.
Sa complice sur scène, Julie Le Breton, relève tout un défi : interpréter 43 personnages (toutes les personnes qu’a rencontrées l’autrice au cours de sa recherche), ce n’est pas une mince affaire. « Elle le fait avec brio ! » souligne Maude.
La première de Rose et la machine a eu lieu l’an dernier, au Théâtre Duceppe, au moment où l’on recommençait à pouvoir se rassembler dans les salles. « On sentait le public vibrer », raconte Maude. Ce qui faisait vibrer les spectateurs, ce n’était pas que le bonheur de sortir de nouveau au théâtre. Entendre les témoignages de gens aux prises avec « la machine » a eu un impact réel. Des parents ont témoigné du soulagement qu’ils éprouvaient de savoir qu’ils ne sont pas « seuls à vivre ça. » Émue, Maude signale qu’une personne autiste l’a remerciée : « Elle m’a dit que c’était la première fois qu’elle se “voyait” sur scène. »
Maude raconte son histoire, certes, mais sans prétention aucune : « Je me sens plutôt vulnérable. Et je pense que c’est pour ça qu’on me dit sans cesse que le show est humain. » Humain, c’est le mot qui revient le plus souvent après le spectacle, quand les comédiennes rencontrent le public.
La scénographie, assurée par Patrice Charbonneau-Brunelle, confine les multiples personnages dans une grille qui les encadre, les organise, les contraint, évoquant le système dans ce qu’il a de plus limitant. « Dans cette grille, on n’a pas de liberté d’action. On doit suivre la ligne… comme dans le système », explique Maude.
La pièce Rose et la machine, ce n’est peut-être que le début d’une bien vaste aventure : des projets voient le jour dans son sillage. Une chose est certaine, en transformant sa quête personnelle en quête documentée, Maude Laurendeau a ouvert des cœurs.
Peut-on changer les choses en prenant la parole au théâtre ? La réponse de Maude est sans équivoque : « J’en suis convaincue ! Le théâtre est une tribune engageante. Les comédiens, en montant sur scène, prennent un engagement. Les spectateurs, en se présentant dans une salle de théâtre, accordent de l’importance à cet engagement, ils s’engagent eux-mêmes. » Et le système, lui, peut-on le changer ? « On est le système ! On l’a créé, on peut le changer ! »
Rose et la machine nous rappelle que face à n’importe quel monstre, on est toujours moins vulnérables ensemble.
Rose et la machine
11 février 2023 à 20 h
Salle Desjardins
Théâtre des Deux Rives
Photo : Andréanne Gauthier
Cette entrevue a été publiée dans l'édition de février 2023 du magazine l'Entracte de la SPEC du Haut-Richelieu. Pour consulter l'édition en cours, cliquez ici.
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