06/03/2024

Quoi de neuf?

Mani Soleymanlou : L’identité est toujours en évolution

Par Jennifer Tremblay. L’artiste est monté sur scène il y a plus de douze ans pour présenter son premier solo, intitulé Un. Huit spectacles ont suivi. Zéro a germé dans son esprit le jour où son père, âgé de plus de 80 ans, lui a dévoilé les vraies raisons pour lesquelles la famille a quitté l’Iran alors que Mani Soleymanlou était encore enfant.

Ces confidences l’ont emmené à se poser une question qui parait aussitôt fondamentale : « Sommes-nous ce que l’on nous a légué ou ce que nous lèguerons à notre tour ? » Le comédien et metteur en scène propose avec son nouveau spectacle un retour sur un thème qui nous est cher : l’identité. Une identité toujours en évolution, en transformation, dans un monde qui nous oblige plus que jamais à remettre en question nos a priori.

Les révélations de son père lui ont paru assez dramatiques pour qu’il se demande s’il en ferait part un jour à son fils. « J’aimerais revenir à un ground zero de transmission. » D’où le titre de son spectacle. « Je parle d’instrumentalisation, de guerre, de révolution, d’exil et d’identité. Je suis obsédé par la question de l’identité. Je ne veux plus en parler, mais si je n’en parle plus, je disparais. » Disparaitre ? Lui ? Vraiment ? « Oui, parce que je suis de plus en plus un homme blanc privilégié. » Je cite une phrase de son spectacle à ce sujet que j’ai trouvée particulièrement émouvante : « Cette normalité que j’ai si souvent souhaitée me tue. »

Né en Iran, il a vécu avec ses parents à Paris, puis à Toronto, où il est arrivé à l’âge de neuf ans. Jeune adulte, Mani Soleymanlou a quitté sa famille pour étudier le théâtre à Ottawa, et finalement à Montréal. Depuis sa sortie de l’École nationale de théâtre, on l’a vu sur scène, à la télévision et au cinéma. Le milieu artistique a vite reconnu son talent : on lui a confié des rôles dès sa sortie de l’école. On pense « force de la nature » quand on regarde Mani Soleymanlou et ses innombrables réalisations. Ses trois solos précédents (Un, Deux, Trois), entre autres, ont connu un succès retentissant.

Son implication fervente dans la création théâtrale serait-elle le moteur de son incroyable énergie ? Ou peut-être serait-ce l’inverse ? Il avoue qu’il admire les artistes qui se sont investis dans leur art envers et contre tout. « Je suis nostalgique de l’époque où, contre vents et marées, les artistes étaient des artistes. L’art total. Ça me fait rêver. » Il donne pour exemple le travail phénoménal de son amie Brigitte Haentjens, qui a mis en scène un spectacle de huit heures intitulé Rome, rassemblant cinq pièces de Shakespeare. « Philip Glass est aussi une inspiration pour moi. Il a 87 ans et il est encore à son piano ! »


L’artiste évoque le « temps dilaté » de la création. « Ce que j’aime, en répétition, c’est quand on passe des heures à régler un détail, quand on a des heures devant nous pour explorer. Le temps est suspendu et on ne pense qu’à une chose : le spectacle. »

Parlant d’années, combien lui en a-t-il fallu pour créer chacun de ses solos ? « Je prends des notes pendant des mois. Mais quand je m’installe pour écrire, il me faut une semaine pour en arriver à une version qui correspond à soixante-quinze pour cent de ce que va être le spectacle. » Au cours des répétitions, qui durent environ trois semaines, il improvise, coupe, ajoute, précise, peaufine ce qu’il appelle lui-même l’« objet théâtral ». La dernière étape consiste à couler dans le béton les décisions, puis à mémoriser le texte : « Il vient un moment où je dois apprendre par cœur le texte que je considère comme “final”. Je ne veux pas être un auteur qui improvise sur scène ou qui se paraphrase. »

Seul en scène pendant une heure quarante-cinq, l’artiste ne s’en plaint pas : « Ça passe à une vitesse phénoménale ! » raconte-t-il. Comment affronte-t-il le trac ? « En coulisse, cependant, c’est long… Je dois apprivoiser le temps. Les quarante dernières minutes avant de monter sur scène sont interminables. En plus, j’ai besoin d’arriver tôt sur place pour prendre le pouls de la salle. »

Mani Soleymanlou nous attend (en regardant sa montre ?) au Cabaret-Théâtre du Vieux-Saint-Jean le 27 mars prochain. « C’est quand même incroyable que des dizaines de personnes se rassemblent et éteignent leur téléphone pour se faire raconter une histoire… Ça m’émeut toujours autant », confie-t-il. Il ajoute : « Le théâtre est un lieu de compréhension du monde. »

Texte, mise en scène et interprétation : Mani Soleymanlou. Assistance à la mise en scène et régie : Jean Gaudreau. Lumière : Erwann Bernard. Conception sonore : Larsen Lupin. Musique originale : Albin de la Simone. Direction de production : Catherine La Frenière. Direction technique : Éric Le Brech. Une création de Orange Noyée. Coproduit par le Théâtre français du CNA.

Zéro
27 mars 2024 à 19 h 30
Cabaret-Théâtre du Vieux-Saint-Jean
Places réservées

Photo Jean-François Hétu

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