Par Jennifer Tremblay. « On dit que les enfants qui viennent au théâtre sont les spectateurs de demain. Mais non… Pas du tout. Ils sont les spectateurs d’aujourd’hui ! » déclare avec conviction la créatrice de Le Potager, une œuvre qui répond avec candeur et délicatesse à l’insatiable besoin des plus petits de s’éclater !

Karine Sauvé et Érika Tremblay-Roy avaient envie de proposer un spectacle jeunesse invitant les enfants de deux à huit ans à exprimer leur fougue et à libérer leur fabuleuse énergie, plutôt que de la réfréner, comme on leur demande souvent de le faire quand vient le moment de pénétrer dans la salle de spectacle pour se faire raconter une histoire. De cette volonté est née une rencontre étonnante entre le potager et… la musique rock !

À l’été 2020, alors que les salles de répétition étaient fermées, Karine Sauvé et Érika Tremblay-Roy ont eu l’idée de filmer les étapes de la croissance du potager que Claire, la fille d’Érika, prenait plaisir à visiter quotidiennement. De nombreuses heures d’images se sont ainsi accumulées au fil des semaines, au fur et à mesure des transformations du potager. Les vidéos ont inspiré à Érika des textes de chansons. Des musiciens, Simon Bergeron (batterie), Guillaume Gilbert (guitare électrique) et Fred Giguère (voix), ont été invités à se joindre au projet. Les artistes Élise Lafontaine et Jean-Philippe Thibault ont ajouté à l’ensemble une série d’images animées, créées à partir de tableaux, alternant avec les images réelles, qui transforment l’expérience du spectateur en un voyage à la fois extérieur et intérieur, sensuel et coloré.

Les jeunes spectateurs pénètrent avec joie dans l’ambiance de ce potager, lieu de transformation, d’évolution, de croissance, de vie, qui leur parle d’eux de manière si joliment métaphorique.

Sur scène, une serre dont les murs servent d’écran, et au cœur de laquelle une chanteuse, un batteur et un guitariste enchainent des pièces musicales endiablées. « Les musiciens jouent à la fois de manière puissante et délicate, explique Érika. Il fallait que la musique vibre dans le corps, mais n’abime pas les oreilles. »

Les enfants ont la permission de s’approcher de la serre magique, à condition de respecter la ligne blanche, dessinée sur le sol, qui délimite l’espace du spectacle et l’espace des spectateurs. « Ils respectent cette ligne blanche sans difficulté. Ils comprennent très bien la consigne ! » Il faut dire que la consigne s’accompagne d’un droit qui leur plait beaucoup : ils peuvent se lever de leur siège et retourner s’assoir autant de fois qu’ils le veulent. Résultat ? La majorité a vite fait de se lever et de sauter, mains dans les airs, au rythme de la musique qui, comme le dit si bien Érika Tremblay-Roy « ne les ménage pas, mais prend soin d’eux ». Elle explique que les décibels sont minutieusement contrôlés. « On prête des coquilles aux enfants qui sont plus sensibles. Et les parents peuvent apporter les leurs, s’ils préfèrent. »

Le spectacle le plus étonnant est sans doute réservé aux adultes : la joie fougueuse qu’expriment les jeunes spectateurs, profitant pleinement de cette musique qu’on n’a pas l’habitude de leur proposer, et qui pourtant correspond si bien à leur énergie. « À cet âge, les enfants bouillent en dedans. C’est hormonal ! » explique la metteure en scène.

Avis à ceux qui ont des fourmis dans les jambes en sortant de la salle de spectacle : l’album du spectacle est disponible sur toutes les plateformes.

Les productions d’Érika Tremblay-Roy paraissent toujours extrêmement proches de leur public. Comment s’y prend-elle pour arriver à toucher son but ? Elle parle de ses rencontres avec les jeunes, qui commencent souvent par l’écoute attentive de ce qu’ils ont à dire. « J’écris à partir de ce qu’ils sont. Je ne prends pas la posture de l’adulte face à eux. Je veux rendre justice à ce qu’ils expriment. » Ensuite viennent le travail des interprètes et l’apport des différents médiums : danse, musique, arts visuels. L’artiste parle « des écritures » de ses spectacles, non pas de l’écriture, au singulier, car dans son processus de création, chaque artiste et chaque médium nourrit et enrichit le propos.

Le processus créatif et l’imagination d’Érika Tremblay-Roy contribuent sans doute au succès de ses propositions artistiques. À cela s’ajoute un atout remarquable : sa confiance en l’intelligence des enfants.