04/03/2020

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José Navas : rite de passage

Par Sara Thibault
D’origine vénézuélienne, José Navas est une figure phare de la danse contemporaine, tant comme danseur que comme chorégraphe. Quelques semaines avant de créer le spectacle Winterreise, en Belgique, il a accepté de s’entretenir avec l’Entracte à propos de ses sources d’inspiration et de la place de Schubert dans son univers créatif.

Du plus loin qu’il se souvienne, c’est Isadora Duncan qui a donné envie à José Navas de devenir danseur : « À 11 ans, ma mère m’a offert les mémoires d’Isadora Duncan. C’est à cette danseuse que l’on attribue les débuts de la danse moderne et c’est une artiste qui est très associée au solo. À partir de ce moment-là, j’ai toujours cultivé le rêve de m’entrainer et d’étudier pour arriver à faire une carrière comme Isadora Ducan. Je trouve que la forme solo est romantique. J’aime la vulnérabilité de l’artiste qui danse seul sur scène, et j’ai souvent été inspiré par des artistes qui pratiquaient cette forme. Kazuo Ōno, par exemple. »

Voir Winterreise

La musique de Schubert se retrouvait déjà dans la trame sonore de certains des spectacles de José Navas. Ce compositeur a un effet très fort sur lui : « Quand j’étais un jeune danseur, au Venezuela, j’ai dansé dans un quintette de Schubert que j’adorais. Mais j’ai vraiment découvert Winterreise dans la quarantaine. La première fois que j’ai écouté l’œuvre au complet, je l’ai trouvée si belle que ça m’a fait pleurer. »

Longtemps, José Navas a voulu danser cette pièce, mais il n’arrivait pas à trouver comment se l’approprier. Or, en arrivant à la cinquantaine, il a senti qu’il était prêt à relever le défi : « Winterreise raconte l’histoire d’un personnage qui marche vers sa mortalité. Et c’est sûr qu’à la cinquantaine, on a un sens plus réel de vivre le deuxième chapitre. On est plus proche de la fin. Aussi, on commence à perdre des gens autour. Ce poème et cette musique résonnent donc différemment aujourd’hui, et je danse différemment. »

Par le biais de Winterreise, José Navas veut montrer aux gens qu’il y a de la lumière qui ressort de toute souffrance. Bien qu’il danse avec des douleurs chroniques depuis plusieurs années, il considère qu’il y a une façon de vivre les changements anatomiques qui fait que l’on retire quelque chose de cette plus grande conscience de son corps : « Aujourd’hui, ma danse est dans la sagesse de la vieillesse et non dans la virtuosité. J’essaie de danser chaque spectacle avec toute l’honnêteté du moment présent, et ça, c’est un défi. Ce n’est pas si facile d’accepter son corps comme il est, il y a quelque chose de vrai qui passe entre l’interprète et le public. Et ça ne passe pas toujours pas un saut un peu plus haut. Ça peut être juste un regard qui fait ressortir la rencontre humaine. »

La présence du ténor Jacques-Olivier Chartier et du pianiste Francis Perron ajoute aussi une dimension très intéressante au spectacle qui fait que le danseur est en dialogue constant avec les deux artistes qui interprètent la musique de Schubert en direct sur scène.

José Navas adopte une posture complètement différente lorsqu’il crée des solos et quand il invente des chorégraphies pour les autres : « Quand je travaille avec des danseurs, ma fascination est surtout dirigée vers l’espace entre les danseuses et les danseurs. J’aime bien l’architecture que ça crée quand on a plusieurs corps dans l’espace. Je vois l’architecture des mouvements et des lignes géométriques. Mon école aux États-Unis, c’était Merce Cunningham, qui est vraiment l’architecture de l’espace. Et ça s'exprime chaque fois que je travaille avec une compagnie de danse ou lorsque je crée un ballet. Mais quand je travaille solo, puisque je crée pour moi, c’est très personnel. Je passe des heures à danser tout seul. Je ne mange pas pendant des jours pour affecter ma manière de danser, je participe à des retraites de silence. Pour moi, c’est deux mondes complètement séparés. »

José Navas admet qu’en vieillissant il devient davantage soliste que chorégraphe, ce qui lui permet de tourner plus facilement sur lui-même et d’aller à la rencontre de son public.

Photo : Damian Siqueiros

José Navas
8 mars 2020 à 15 h 30
Salle Desjardins
Théâtre des Deux Rives

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