Par François Marchesseault. Confiture printemps comète moustache molle : toute la poésie et la musique inclassable de Jeannot Bournival se trouvent dans le titre de son plus récent album, paru l’an dernier. Le multi-instrumentiste explore et fait éclater les genres musicaux, au point de ne pas cataloguer sa musique.

« Je ne la décris pas », me lance l’artiste, qui laisse des traces d’un peu toutes les musiques qu’il a touchées dans sa carrière, lui qui a, entre autres, fait partie du groupe trad Les Tireux d’Roches. « Je laisse des petites saveurs à droite et à gauche. Puis, en même temps, les gens du milieu trad diront que ce que l’on entend là, ce n’est pas trad. Les gens du classique diront que dans ce que l’on entend ici, il n’y a rien de classique. Même chose avec le folk. Je finis par être un peu rejeté par tout le monde… et j’haïs pas ça ! Ça m’empêche d’être dans une niche. »

Musique inclassable, mais qui navigue autour d’une formidable poésie. « J’avance avec une poésie très prolétaire. J’avance avec les mots que j’utilise dans la vie. » Une poésie aussi simple qu’éclatée, près du cœur et des gens, comme peut l’être le western. Car ce Confiture printemps comète moustache molle devient sur scène Western Paillettes : « J’ouvre le spectacle avec une espèce d’hommage à la réconciliation. Une chanson autour des génocides perpétrés contre les peuples autochtones de chez nous. »

Le western (c’est-à-dire l’idée de la conquête) dans un son parfois folk, qui clash (dixit Jeannot) avec le propos et les paroles atikamekw entendus durant le spectacle : « La contradiction mène souvent à la réflexion. Donc le western vient de là. Parfois, je me casse le “bicyk” avec du symbolisme, mais je ne déteste pas ça. »

Artiste multidisciplinaire, Jeannot Bournival cumule les projets et les collaborations depuis plus de vingt ans. Comme réalisateur de tous les albums de son concitoyen caxtonien Fred Pellerin et comme directeur musical pour plusieurs artistes, dans son studio de Saint-Élie-de-Caxton. Comme musicien, il accompagne des artistes sur scène et a fait paraître deux albums instrumentaux. Il a aussi créé un duo avec Tire le coyote pour l’album Le Temps des autres. Son parcours est impressionnant. Puis, ces deux dernières années, il a lancé deux albums de chansons. Sa voix, sa poésie, son nom sous les projecteurs. Pourquoi maintenant ?

« Il y a plusieurs réponses à ça. Je ne me sentais pas nécessairement prêt avant. Tu sais, je n’assumais pas toute ma poésie, puis ma voix. » Le temps a fait son œuvre. Des poèmes ont été publiés dans des recueils. Des occasions de mettre sa voix et ses mots de l’avant se sont présentées : « Je me suis fait demander de grafigner de la plume. Puis, je ne sais pas, c’est comme si ma voix, je m’y suis habitué. Je n’ai pas énormément de moyens, mais je n’envie pas la voix des autres. »

Arrive Western Paillettes : la déclinaison spectacle, sans artifice, de son album. Ni tant western, ni tant paillettes. Jeannot Bournival et ses musiciens (Camille Paquette-Roy, Vincent Carré et Colin Savoie-Levac) cherchent à créer de la flamboyance !

De l’éclectique qui scintille. Des chansons glanées sur ses deux albums ainsi que quelques reprises, dont Paradis City, de Jean Leloup, et Deux Pieds, de Thomas Fersen.

En orbite autour du groupe, le spectateur trouve une place de réconfort à la rencontre d’un répertoire composé de faits du quotidien. De lieux communs : « On se pose tous les mêmes questions, alors ça vaut la peine de se retrouver ensemble, puis de se gosser un lien autour de ça. »

Photo : Annie Diotte