Par Jennifer Tremblay. « Mon spectacle est un hommage aux adultes qui m’ont donné envie de grandir. Quand je pense à eux aujourd’hui, ils me soulagent de ma peur de vieillir. » Le ruisseau raconte comment François Lavallée, héritier d’imaginaires, est devenu conteur, passant du feu de camp au plateau de théâtre.

À la fois lieu où se vivent les amitiés, les aventures, les feux de camp, les contes, et lieu symbolique de la vie qui passe, le ruisseau apparait sans effort dans l’imaginaire du spectateur qui entre pas à pas dans l’univers du conteur. N’avons-nous pas tous, dans nos souvenirs, un lieu comparable à celui-là, où nous avons connu le rêve, l’amitié et l’amour ?

Forme hybride entre le conte, la poésie et le théâtre, spectacle dynamique construit de tableaux qui, en s’accumulant, forment un paysage familier, Le ruisseau palpite d’émotions. « C’est un show qui rassemble », constate François Lavallée, après deux ans de tournée.

Parmi les nombreux et attachants personnages qu’il nous donne à voir si facilement, alors qu’il est seul en scène, il y a Balou, l’animateur scout. C’est peut-être lui qui, le premier, a donné à l’enfant le goût de conter : « J’ai compris avec lui que les mythes et le ciel sont trop grands. Qu’il fallait inventer les contes pour les transporter dans nos poches, autour du feu. »

Au cœur de ce spectacle, il y a aussi l’oncle Normand, cow-boy à la moustache molle : « Je lui rends hommage parce que sa bonté… j’essaie d’en faire ma façon de raconter. » On comprend à ces mots la manière tendre qu’a François Lavallée de nous convoquer dans son enfance. « Les Lavallée, on est des gens taquineux. Moi, je taquine mes personnages. Je me moque d’eux avec affection. Mes personnages se taquinent les uns les autres. Et le conteur taquine les spectateurs… »

L’archétype du cow-boy est définitivement récurrent dans l’œuvre de ce conteur, qui pourtant est né à Saint-Jean-sur-Richelieu ! « J’aime sa confiance en lui, sa façon de se prendre au sérieux. Il est dans l’instant présent. Je peux le jouer au ralenti. Il me fait rire surtout parce qu’il sort tout droit d’un film présenté à Ciné-Quiz, les après-midis de mon enfance… » D’où l’accent français de mon cow-boy Dwayne, pour ceux qui se poseront la question.

Puisque nous avons tous plus ou moins développé cette mauvaise habitude de vouloir démêler le vrai du faux, comme si c’était réellement possible, je me permets de demander au conteur s’il y a du vrai dans la scène où son pépère libère un ours tenu captif par un dompteur devant une cantine de patates frites. « Mon grand-père s’est battu contre un ours. En plus, il avait un sens aiguisé de la justice. Et finalement, il était soudeur. En somme, le fond de cette histoire est vrai. »

Sensible à ses spectateurs, le conteur a vite compris que la scène du « Manifeste touche profondément la salle. C’est le moment où le petit François, dix ans, s’élève contre l’idée que la valeur d’un enfant se mesure à ses résultats scolaires. Assurément, cette prise de parole nous laisse profondément émus…

Depuis le début de sa carrière, qui a commencé dans les camps de vacances, alors qu’il contait le soir autour du feu, François Lavallée a parcouru la planète. Il a participé à une centaine de tournées internationales. Juste avant la pandémie, il a choisi de s’investir davantage dans le milieu du conte au Québec. « Il y a de la place au Québec pour faire connaitre cet art de cuisine qui est devenu un art de festival, et qui finalement aujourd’hui est un art théâtral, entre autres grâce au Circuit Paroles Vivantes. La pratique a beaucoup évolué en 25 ans. »

François Lavallée peaufine toujours longuement la mise en scène et la scénographie de ses spectacles. Ces dimensions de la création l’intéressent tout autant que l’écriture. « Le ruisseau a la précision d’un monologue de théâtre. Rien n’est laissé au hasard. En même temps, je me laisse de la place pour interagir avec la salle, si l’occasion se présente. Mais parfois, le public n’existe plus. Je suis avec mes personnages. »

Conter, pour lui, c’est allumer un feu avec des brindilles. « Quand je monte sur scène, je prends une braise entre mes mains. »

Un spectacle pour tous, à partir de 10 ans.

François Lavallée
9 décembre 2023 à 20 h
Salle Emma-Albany
Pôle culturel de Chambly

Photo Damian Siqueiros