Par François Marchesseault. Le troisième album d’Etienne Dufresne, paru en début d’année, s’intitule Etienne Dufresne fait des efforts Un titre qui peut sembler rigolo, mais qui cache un leitmotiv adressé à l’artiste. Une façon de se motiver à regarder droit devant, d’assumer le métier d’auteur-compositeur-interprète, de demeurer ambitieux et de tout donner, en studio comme en tournée.

Le musicien, rejoint au téléphone en juillet, est arrivé dans le « métier » sur le tard, fin vingtaine, portant en lui une certaine insécurité : « Je me cachais tout le temps derrière une espèce de masque. Celui du late bloomer qui commence tardivement, qui n’a pas fait de musique avant. Un moment donné, j’ai vu que vivre de cette manière ce n’était pas quelque chose qui allait m’amener plus loin. » En titrant ainsi son plus récent album, l’artiste voulait s’assurer de souvent poser ses yeux sur la phrase, se la répéter, s’en souvenir… et l’honorer.

La musique d’Etienne Dufresne évolue d’un album à l’autre. Le son lo-fi et bedroom pop (dixit Etienne Dufresne) de Sainte-Colère (2020) a laissé place à des influences RnB américaines avec des notes jazz sur Excalibur (2021). « Pour le nouveau, je suis vraiment dans la chanson. J’ai écouté beaucoup de Beau Dommage, puis de Michel Rivard, même que Dominique Tardif (journaliste à La Presse) le décrivait comme du post Beau Dommage ». Un qualificatif qui plait à Etienne. Prêtez une oreille à la pièce Envie d’être, peut-être celle qui se rapproche le plus de ce que faisait le célèbre groupe.

La signature musicale demeure moderne, dans les claviers ou dans l’ambiance rock de certains titres, mais avec ce disque, le compositeur a voulu un son plus organique, acoustique : « L’intérêt pour moi c’était de pouvoir défendre seul ces chansons-là. Je pense que j’ai réussi. Ça fonctionne bien en groupe, et ça fonctionne bien aussi dans un contexte solo, duo. » La preuve se trouve dans l’excellente vidéo Etienne Dufresne fait des efforts en 4k (disponible sur YouTube).

C’est en quatuor (guitare, claviers, basse et batterie) qu’il viendra toutefois présenter ses nouvelles chansons au 164. Un spectacle qui se veut musicalement fidèle à l’album : des grooves et des mélodies qui portent les paroles introspectives d’Etienne. Des textes où l’auteur se questionne, comme sur la pièce Dans ma tête : « qu’est-ce qui se passe dans ma tête ? », chante-t-il. Le musicien parvient-il à se donner lui-même des réponses sur son état et celui du monde ? « En chanson, tu ne peux pas essayer de dire mille affaires. Tu dois t’en tenir à l’essentiel. Quand tu veux être vrai, tu dois simplifier ce que tu penses. Alors oui, absolument. J’ai beaucoup de réponses à partir de ça. » Une façon de le pousser à rechercher à l’intérieur de lui pour trouver les mots justes. Se questionner sur ce qu’il ressent et tenter de l’exprimer le plus simplement du monde : « Puis pour vrai, oui, c’est un peu comme une thérapie », ajoute-t-il.

Une thérapie sous forme de chanson francophone qui trouve écho chez les auditeurs et les spectateurs. Un public grandissant composé de gens qui connaissent déjà les paroles de ses chansons et d’autres qui le découvrent et s’ouvrent même, parfois, à la musique francophone d’ici via ses pièces.

Les efforts d’Etienne Dufresne ne sont pas vains : ils lui permettent de trouver sa place et d’avancer sur l’effervescente scène musicale québécoise tout en reconnectant les gens à leur langue et, comme ils viennent lui raconter parfois, de mettre des mots sur ce qu’ils ressentent.

Certainement ce que l’art peut laisser de plus beau sur son chemin.