Par Marie-Pier Gagnon. Après avoir présenté des plaidoyers qui ont marqué la justice au Québec avec leur pièce à succès Verdict, Les Agents Doubles nous reviennent avec une nouvelle proposition tout aussi pertinente : Aux grands maux, les grands discours. Ce théâtre documentaire met en scène quatre comédiens de talent, dont la chaleureuse Dorothée Berryman.

Plusieurs grands discours ont marqué l’Histoire. Prononcés par des personnages influents, par des hommes et des femmes, ces discours ont laissé des traces indélébiles dans le cœur de millions d’êtres humains. Parfois pour le meilleur. Parfois pour le pire. Pensons à Martin Luther King, à Malala Yousafzai, à Mère Teresa ou, de triste mémoire, à Adolf Hitler.

Aux grands maux, les grands discours revisite une vingtaine de ces moments inoubliables. D’abord en offrant une mise en contexte soutenue par des images d’époque. Puis en donnant une interprétation vivante de chacun des discours choisis. On y parle d’amour, de liberté, d’égalité, de droit de vote, de démocratie. Des sujets indéniablement d’actualité.

Tout cela prend vie grâce à une distribution étoile qui réunit, en plus de Dorothée Berryman (Les Invasions barbares), Paul Doucet (Unité 9), Martin-David Peters (Indéfendable) et Naïla Louidort (5e rang). Cette jeune comédienne est d’ailleurs un coup de cœur pour madame Berryman qui espère que vous tomberez vous aussi sous son charme.

Un besoin d’entendre

Mais revenons à la pièce. « J’ai toujours aimé l’art oratoire, nous dit Dorothée Berryman. C’était naturel pour moi de me joindre à cette équipe, mais j’avoue que je me suis demandé si c’était un concept trop aride ou pas assez divertissant. Mais non. Chaque soir, on réalise que le public est touché, que les gens ont besoin d’entendre ces mots-là, surtout maintenant. »

« Surtout maintenant. » Voilà qui fait réfléchir. Au fil de la conversation, la comédienne nous confie que plusieurs des discours résonnent avec les nouvelles que l’on entend aujourd’hui. Ils ont beau avoir été puisés dans le siècle passé, ou même au XIXe siècle, il y a invariablement des similitudes entre ces époques et la nôtre. Par moments, un air de déjà-vu. Ou plutôt de « déjà-entendu ».

C’est le cas lorsqu’il est question du droit à l’avortement, un sujet qui revient constamment dans l’actualité contemporaine. Sans oublier le discours le plus troublant du spectacle, celui d’Adolph Hitler, qui n’est jamais applaudi. « La démocratie, c’est fragile. La liberté, c’est fragile. C’est un travail de chaque jour. Cette prise de conscience est importante, et c’est pour ça que ce discours est dans le spectacle », explique madame Berryman.

Alors, oui, plusieurs sujets sérieux sont abordés au cours de la soirée. On revisite même le fameux discours de René Lévesque, lorsqu’il s’était adressé aux Québécoises et aux Québécois pour leur donner rendez-vous « à la prochaine fois ». Mais il y a aussi des moments plus légers, drôles même, qui ajoutent une touche d’optimisme et d’espoir à la soirée.

Plus grand que nature

Cela dit, c’est tout un défi d’interpréter des personnages aussi importants ! D’ailleurs, plusieurs artistes ont subi des échecs en essayant de personnifier ceux que l’on pourrait qualifier d’intouchables de notre culture. Dans ce cas-ci, la metteure en scène, Marie Guibourt, s’est assurée que cela ne se produirait pas. Comment ? En interdisant à ses interprètes de visionner les discours d’origine.

Une règle… plus ou moins respectée, nous avoue Dorothée Berryman. « Ça ne m’intéressait pas d’imiter, mais je voulais connaître le ton de chaque discours, alors je suis allée sur YouTube », nous révèle-t-elle, un peu amusée. Autre confidence : les quatre interprètes se sont essayés à incarner de nombreux personnages, avant qu’on leur confie leurs rôles respectifs.

Pour Dorothée Berryman, jouer Winston Churchill a été un vrai plaisir. À cause de son humour et de son flegme. Ce n’est toutefois pas elle qui l’interprète sur scène. Le personnage qu’elle ne voulait pas laisser passer ? Mère Teresa, celle qui a dit : « Ne tournez jamais le dos aux pauvres ! » La personnalité qui s’est avérée une découverte ? Gisèle Halimi, avocate, militante féministe et femme politique.

Alors, êtes-vous prêt à redécouvrir l’Histoire ?

Théâtre documentaire. Collage des textes : Rémi Villemure. Mise en scène : Marie Guibourt. Interprétation : Dorothée Berryman, Paul Doucet, Naïla Louidort, Martin-David Peters. Production : Les Agents Doubles. Durée : 1 h 50, avec entracte.

Photo : Andréanne Gauthier