Par Yves Mallette.

Lemire présente un nouveau spectacle, toujours aussi habile à jouer avec l’actualité et à nous en faire rire grâce à sa brochette d’hurluberlus familiers et attachants que sont l’oncle Georges, Ronnie, Yvon Travaillé et les autres. Celui qui a reçu un vibrant hommage pour ses 40 ans de carrière le 22 août dernier dans le cadre du ComediHa ! Fest fait le point avec nous.

S’agira-t-il de son dernier spectacle après 40 ans de carrière ? « Le titre de travail était Un p’tit dernier pour la route, confie Daniel Lemire. Mais ça laissait entendre que c’était une tournée d’adieu et je ne veux pas embarquer là-dedans. Préparer un spectacle, c’est énormément de travail. De plus, la tournée, c’est très exigeant et j’ai 67 ans. Je crois que le spectacle actuel va durer un certain temps. Après, on verra. Disons que c’est un peu tôt pour en parler », précise-t-il en laissant entendre qu’il y a d’autres façons d’exercer son métier.

Des personnages qui évoluent
Ses personnages aussi désopilants et burlesques les uns que les autres reviennent, mais Daniel Lemire les fait évoluer au rythme des changements sociétaux en trouvant des thématiques qui leur collent bien. Ainsi, l’Oncle Georges, qui a toujours cherché à s’enrichir en travaillant le moins possible, est devenu influenceur. De son côté, Edmond Ratté est perdu dans les nouvelles tendances sexuelles, lui qui pense que LGBT se rapporte à La Grande Bibliothèque. Sans compter qu’il s’opposait au vaccin contre la COVID-19 convaincu que ce ne serait pas une bonne idée de donner une piqûre à… sa poupée gonflable.

Quant à Yvon Travaillé, il ne comprend pas le phénomène de la pénurie de personnel et il tente de trouver des solutions, comme ouvrir un centre de main-d’œuvre sur le chemin Roxam ! Sans oublier Ronnie Dubé qui interprète quelques chansons et raconte qu’il s’est fait des amis parmi les travailleurs saisonniers du Mexique. Maurice, l’ex-fumeur, sera également de la partie.

Toujours collé à l’actualité
Les sujets d’actualité ont toujours été le créneau de Daniel Lemire et ça ne change pas après 40 ans. Non seulement les aborde-t-il à travers ses personnages, mais le spectacle est aussi ponctué de plusieurs courts numéros de pur stand-up au cours desquels il se paie la traite dans son style unique.

Par exemple, l’humoriste s’étonne de voir se développer un combat contre la démocratie, non seulement dans des pays comme la Russie ou l’Arabie Saoudite, mais même aux USA : « Il y a des accros aux médias sociaux qui ne croient plus en rien. Alimentés par diverses théories complotistes et les fausses nouvelles, ils développent une profonde méfiance à l’égard des institutions. Ces personnes sont tellement dopées aux algorithmes que ça les éloigne de la vie réelle. Heureusement, il y a quand même beaucoup de gens qui ont du bon sens, mais on les entend moins. »

Daniel Lemire aborde aussi d’autres sujets comme les changements climatiques, l’économie et la politique locale. L’artiste a beau s’inspirer de l’actualité, il ne veut pas non plus que ses numéros soient des éditoriaux. Pas question que les spectateurs se grattent la tête à chaque phrase. « C’est drôle avant tout », affirme celui qui s’est fait connaitre aux Lundis des Ha ! Ha ! au début des années 80.

Même en admettant qu’il soit plus délicat d’émettre des opinions aujourd’hui, les gens étant plus frileux qu’avant, Daniel Lemire n’a pas senti le besoin de peser sur les freins dans le processus d’écriture, lui qui est reconnu pour ses interventions hilarantes souvent teintées de sarcasme et d’ironie. « C’est sûr que la donne a changé, mais il suffit souvent de changer un mot ou deux et ça fait la job. Par ailleurs, ça ne me tente pas de faire attention tant que ça. Je trouve que Trump est un être humain assez vil et s’il y en a que ça offusque, c’est plus leur problème que le mien. En même temps, j’ai toujours pesé mes mots et je n’ai jamais causé de commotions avec des gags. Le public qui vient me voir sait à quoi s’attendre et il est capable de lire entre les lignes. »

Et ce retour sur scène après une absence de quelques années, il se passe bien ? « Au début, j’avoue que j’étais un peu rouillé, avoue Daniel Lemire, mais j’ai retrouvé mes réflexes assez vite. Ça se déroule assez bien. En tout cas, les personnes qui ont eu des billets gratuits n’ont pas demandé de remboursement. »

Daniel Lemire
21 octobre 2023 à 20 h
Salle Desjardins
Théâtre des Deux Rives