Par Mickaël Spinnhirny. 

Corps mouvants, mouvements élastiques, regards captivants, densité de l’espace. Décrire la danse d’Anne Plamondon, c’est entrer dans un monde où l’intangible côtoie la virtuosité. Bien connue comme danseuse et co-directrice au sein de RUBBERBAND, Anne Plamondon a fondé sa propre compagnie en 2018. Elle nous offre bientôt sa première création de groupe, une promesse d’émotion, de fougue et d’intensité.

Ce corps qui parle

Le processus de création s’est amorcé l’an dernier à l’invitation du Festival des Arts de Saint-Sauveur alors que son directeur artistique, Guillaume Côté, a offert à Plamondon de présenter une nouvelle pièce en création. Celle-ci a accepté, rassemblé huit interprètes et a réfléchi au propos de la pièce. Face aux nombreuses préoccupations qui lui traversaient l’esprit, elle a décidé de s’attarder à l’expression du corps en cette époque où tant d’enjeux émergent simultanément. On n’a qu’à penser aux questions identitaires, aux bouleversements climatiques, aux conflits ou aux revendications en tout genre. Dans un contexte saturé de réflexions et d’arguments, la chorégraphe questionne le corps : comment traite-t-il ces enjeux ? Que ressent-il, et qu’exprime-t-il ?

Pour laisser la voix de l’intérieur jaillir, Plamondon a choisi de donner place aux sons du corps, tels que les respirations, murmures, cris, râles, paroles et chants. Ces voix sont portées par des danseurs d’un peu partout au Canada, choisis autant pour leur talent d’interprètes que pour leurs qualités humaines. À travers ces personnes sensibles et agiles qui s’expriment par toutes les parcelles de leurs corps, un miroir est tendu vers notre propre état physique. Comment se sent-on face aux préoccupations sociales, humanitaires et écologiques auxquelles nous sommes tous confrontés ?

Être dans sa zone

La chorégraphe ne danse pas dans cette nouvelle pièce. L’interprète phare de sa propre compagnie, ainsi que pour RUBBERBAND (Victor Quijada) et pour Kidd Pivot (Crystal Pite), se tourne de plus en plus vers la création et la transmission, sans pour autant délaisser l’interprétation. Très en demande, elle a récemment créé pour Ballets Jazz Montréal, Arts Umbrella Dance Company, le Domaine Forget et l’Alberta Ballet. Mais une carrière de danseuse, ça laisse des traces, et le passage d’interprète à chorégraphe se fait graduellement. « Quand je danse sur scène après avoir vraiment travaillé chaque mouvement, je suis totalement dans mon corps. I’m in the zone, explique-t-elle. Je tente de parvenir à cet état comme chorégraphe. Je crée par le corps, j’évite de tout rationaliser, et il arrive qu’à certains moments, je me sente dans cet état-là quand je crée avec mes danseurs ». Une autre femme éclaire sa route. Elle est déjà passée par un chemin semblable.

Mentorée par Margie Gillis

En mai dernier, Anne Plamondon s’est en effet vu attribuer le Programme de mentorat des Prix du Gouverneur général pour les arts du spectacle 2023. Dans le cadre de ce programme, la grande soliste Margie Gillis l’a choisie comme protégée et cette année, elles auront la chance de discuter de danse, de la vie, et du rôle de femme-artiste-danseuse. « C’est un honneur pour moi de pouvoir être guidée par Margie. C’est vraiment un exemple de longévité de carrière, elle a trouvé une façon de transcender les générations. Je pense qu’elle peut vraiment m’accompagner, en tant que femme artiste, sur comment vivre la danse tout en vieillissant ».

En attendant de voir où sa carrière la mènera, laissons huit corps nous parler, en quête de sens face aux bouleversements contemporains. Regardons-les s’exprimer avec virtuosité et vitalité, guidés par la main et le cœur de cette grande artiste.

Danse contemporaine. Chorégraphie : Anne Plamondon. Musique originale : Olivier Fairfield. Interprétation : Judy Luo, Diana León, Raphaëlle Sealhunter, Eowynn Enquist, Kevin Lau et Isak Enquist. Photo : Damian Siqueiros. Production : Anne Plamondon Productions. Durée : 1 h, sans entracte.

Anne Plamondon
24 novembre 2023 à 20 h
Salle Desjardins
Théâtre des Deux Rives

Photo Michael Slobodian