Guy Boulanger, directeur général - Depuis quelques mois, on me demande souvent si nos activités sont revenues à la normale. Difficile de répondre à cette question simplement par oui ou par non. Il y a tellement d’aspects à nuancer pour obtenir un portrait plus ou moins juste de la situation.

RIDEAU, l’association professionnelle des diffuseurs de spectacles dont la SPEC du Haut-Richelieu est membre, vient tout juste de publier une étude sur l’impact économique des diffuseurs pluridisciplinaires du Québec. On apprend dans cette étude que si la pandémie est chose du passé pour une majorité de secteurs économiques, ce n’est pas le cas pour les diffuseurs. Au mieux, les organismes de diffusion sont revenus à des niveaux de production (PIB) et d’emploi comparables à ceux observés au début de 2015, tandis que le reste des secteurs économiques a continué sa croissance, creusant ainsi l’écart avec notre milieu.

Voilà pour la macro-vision de la situation. Si on examine le positionnement de la SPEC du Haut-Richelieu, je répondrais que la fréquentation en salle varie beaucoup d’une discipline à l’autre. Si le public est revenu en grand nombre pour les spectacles d’humour et pour ceux des artistes en chanson les plus populaires, il en va tout autrement pour la fréquentation des productions théâtrales, de la musique et pour les spectacles d’artistes émergents.

Nous avons deux périodes de ventes stratégiques durant l’année qui nous permettent de tracer un bon portrait de la saison à venir. La première est au mois de mai lorsque nous lançons nos abonnements de saison en théâtre, musique, danse, etc. La seconde période est celle qui précède les Fêtes, soit les mois de novembre et décembre. Chacune de ces périodes génère 25 à 30 % de nos revenus annuels de billetterie. C’est ainsi qu’en mai 2022, nous avons constaté que nous devrions nous attendre à une baisse de ±30 % de la fréquentation en théâtre, musique et danse. Pour les ventes de Noël, c’est plus nuancé. Les revenus ont progressé de 3,3 %, mais le nombre de billets vendus à diminué de 20,4 %. Le prix moyen des billets vendus est en nette progression, ce qui est en adéquation avec le fait que les artistes émergents ou moins populaires – dont le prix des billets est inférieur – ont suscité beaucoup moins de ventes. Il est encore tôt dans la saison pour établir un constat définitif de la situation, mais ces statistiques préliminaires nous donnent une bonne idée des tendances.

Qu’est-ce que la nouvelle normalité ?
Le retour à la normale n’est pas qu’une question de vente de billets. En fait, il faudra nous habituer à une nouvelle normalité. Cette période post-pandémique amène son lot de nouveaux défis. La pénurie de main-d’oeuvre frappe tous les secteurs de l’économie. Les producteurs de spectacles ont de la difficulté à recruter du personnel technique compétent. Des écoles annulent leurs venues aux spectacles à la dernière minute par manque de transporteur. L’inflation nous entraine dans une nouvelle réalité où les coûts de production explosent de toute part (frais de personnel, de transport, de mise en marché, d’accueil, etc.).

Je discutais avec un producteur récemment et celui-ci me confiait qu’il ne serait pas en mesure d’aller dans toutes les régions du Québec l’an prochain, car les frais sont trop élevés pour rendre viable une grande tournée. Cela a un impact direct sur l’accessibilité à la culture pour les citoyens en régions éloignées des grands centres urbains.

N’étant pas très éloignés de Montréal, nous ne risquons pas encore de manquer de propositions artistiques, mais il nous faudra toutefois y mettre le prix pour accueillir certaines productions. Je suis en train de finaliser la programmation pour la saison prochaine. Je constate que les cachets demandés pour les spectacles en théâtre et en musique sont exorbitants. On parle d’une augmentation faramineuse de 30 à 50 % des cachets moyens qui devront être payés aux producteurs. Il nous faudra faire des choix judicieux.

Mais, comme le disait Confucius, il n’y a qu’une seule chose dans la vie qui ne change jamais, c’est le changement !

Loin de moi l’idée de contredire ce grand philosophe, mais j’oserais dire qu’il y a une autre chose qui ne change pas, c’est l’agilité de la SPEC du Haut-Richelieu à s’adapter à tous les changements !