Je suis le sixième d'une famille de 9 enfants : six garçons et trois filles. Ma mère s'appelle N'Dew Diouf et mon père, Amath Diouf. Je suis né et j’ai grandi dans la province du Sine, le fief de l’ethnie sérère au Sénégal. Traditionnellement, les Sérères sont des éleveurs de zébus et des cultivateurs d’arachides. Si, aujourd’hui, j’ai fait des études supérieures, ce n’est pas parce que je voulais devenir chercheur, mais plutôt parce que je voulais me donner toutes les chances de ne pas cultiver des arachides. En effet, comme on dit au Québec, cultiver des arachides, c’est travailler pour des « peanuts ».
Mon père et ma mère ne sont jamais allés à l’école, mais mon père avait son truc pour nous intéresser aux études. Il nous faisait tellement travailler dans les champs d’arachides que l’ouverture des classes nous semblait être le début des grandes vacances. Quand Papa était content, il nous disait : « Travaillez bien à l’école les enfants, un homme a besoin de se cultiver. » Et, quand ça ne faisait pas son affaire, il ne se gênait pas non plus pour nous dire : « Je n’ai rien contre l’école, mais les champs ont besoin d’être cultivés. » Et on repartait se taper deux heures de travaux champêtres avant le souper. Cependant, même si papa ne savait pas lire, il disait souvent que les illettrés étaient les aveugles des temps modernes et qu'il ne voulait pas, de son vivant, voir son fils ou sa fille souffrir de ce handicap.
Dans notre maison familiale, les animaux (moutons, zébus, ânes, chèvres, poules, chevaux) ont toujours côtoyé les humains. Le veau dans la chambre, l'âne dans la cuisine, les poules sous le lit sont des scènes de vie presque anodines chez les Diouf. Jusqu'à l'âge de 15 ans, j'étais berger. Je parcourais la savane pendant la saison des pluies avec les animaux à la recherche de pâturages. Cette vie de berger durait jusqu'à l'ouverture des classes et, même après la reprise des cours, je reprenais le bâton de berger pendant les jours de congé. Les rapports entre les Sérères et leurs vaches sont proches de l'adoration. Le zébu est un «dieu au museau humide », un animal qu'on ne tue que pour célébrer un mariage ou des funérailles, mais dont la bouse est très prisée comme fertilisant. De temps en temps, les hyènes faisaient une irruption nocturne dans les troupeaux et le carnage était difficile à supporter le lendemain. Aussi, pour protéger les animaux, on était parfois obligé de passer la nuit à côté des troupeaux.
Aujourd'hui, même si la plupart des Sérères se réclament de la religion musulmane, leur culture renferme une forte dose d'animisme. Les Sérères croient profondément à la sorcellerie et aux forces de la nature. Ils pratiquent aussi les rituels de chasse, les danses de la pluie, le totémisme, la circoncision et l'initiation des jeunes garçons. De tous les enseignements que j'ai reçus pendant mon initiation, le plus important reste le répertoire de chansons initiatiques du pays des Sérères : des chansons dont certaines trouvent leur origine dans la fondation du pays. Aujourd’hui, même loin de mon pays et de la culture des miens, je perpétue cette tradition sur les rives du Saint-Laurent. Il m'arrive même d'enseigner une de ces chansons aux enfants du Bas-du-Fleuve lors de mes passages dans les écoles.
De la savane à la neige
Avant de venir au Canada, j’ai fait une maîtrise et une attestation d'études approfondies à la faculté de sciences de l'université de Dakar. Par la suite, j’ai obtenu une bourse pour faire un doctorat en océanographie au Québec. Je n'étais pas le premier à quitter la famille pour les pays froids : mon frère N'dane a fait son diplôme d'ingénieur en Tchécoslovaquie et un troisième cycle en Belgique. Avant mon départ, j'ai eu une semaine de cours intensifs sur le choc culturel et l'adaptation à la culture québécoise. Par contre, on avait omis de me parler du choc thermique. C'est ce que j'ai compris lorsque j'ai découvert l’hiver du Québec en robe africaine.
Un doctorat sur les adaptations au froid des poissons
Après avoir connu le choc thermique, j'ai commencé à me poser des questions sur l'hiver. Et plus je lisais sur le sujet, plus je m'intéressais à la physiologie de la résistance au froid chez les ectothermes. Finalement, j’ai décidé de faire ma thèse de doctorat sur les adaptations au froid chez les poissons. C'est après avoir soutenu ma thèse, cinq ans plus tard, que je me suis posé la question fatale : « Qu'est-ce que tu vas faire avec une telle spécialisation au Sénégal où il fait quarante degrés à l'ombre ? »
- Boucar Diouf
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06/23/2022
« Spectacle extraordinaire! Quel homme intelligent! »Marie Sinclair
05/16/2022
« Bon spectacle, artiste intelligent et drôle. C'est différent d'entendre parler des expressions linguistiques québécoises par quelqu'un qui les apprend la première fois. Belle salle, facile d'accès avec beaucoup de stationnement. »Yolaine Huard
05/10/2022
« Super belle soirée en compagnie de Boucar, nous avons été bien reçus comme si nous étions dans son bungalow !! »Ghislain Pare
05/05/2022
« Un formidable spectacle toujours intéressant merci à Boucar Diouf pour ce spectacle et l’organisation de la spec merci »Mathys Helene
05/05/2022
« Bonjour, Ce fût une superbe soirée. J'ai adoré Boucar Diouf. Vraiment un bon spectacle. Bonne fin de journée »Manon Lefebvre
05/04/2022
« Boucar est exceptionnel et incomparable. Il est génial, drôle, intelligent. C'était super!!!!! »Lorraine Drapeau Belcourt
05/03/2022
« MR Lizotte joue bien mais ce n’est pas mon genre ,nous avons bien rient avec Boucar .Belle soirėe, que nous referons sûrement. Beau théâtre,très agréable. »Carole Croteau
05/02/2022
« Après une attente de 2 ans et plusieurs reports dû à la pandémie, c'est fébriles que nous nous sommes rendus au Spectacle de Boucar Diouf le jeudi 28 avril. L'attente en valait la chandelle ! Nous avons bien sûr beaucoup ri, mais également appris, réfléchi et été émus par la poésie de ce "nuanceur de nuages". Boucar est un artiste qui fait du bien et la salle du théâtre des Deux rives était à l'image de cette soirée : colorée avec ces sièges jaunes et sa belle lumière chaude. Merci pour cette belle soirée ! »Gaelle Grange
05/02/2022
« Super spectacle, on s’est bien bidonnés! La salle et l’accueil parfaits, c’est le fun d’avoir ces spectacles dans la région. Merci »Nicolas Villotte
05/01/2022
« J'ai viens d'assister au spectacle de Boucar Diouf et c'était au-delà de mes attentes... Une superbe soirée.. Je le recommande fortement. Aussi, j'adore la salle du Théâtre des deux-rives... J'ai hâte d'y retourner ;) »Joanne Trudel